viernes, mayo 05, 2006

Un monde où le ciel ne cesse de tomber

Traducción de Thierry Davo de "Un mundo en el que el cielo cae y cae"




–Personne ne joue comme Charlie Parker –répétai-je.
Il jeta le saxo sur le lit. Il y eut comme un bruit de métal cassé.
–Pour qui te prends-tu –me dit-il-. Tu ne sais même pas souffler.
C’était vrai.
Il s’assit à côté du saxo, sans oser le prendre. Dessous, il y avait une bouteille de bière vide. Il l’attrapa comme si ça avait été un bouclier ou une assurance-vie.
–Tu sais combien de temps je m’entraîne? Tu sais combien d’heures je m’entraîne?
–Ce n’est pas ça –lui dis-je.
–Non. Je sais que ce n’est pas ça.
Il regarda la bouteille à contre-jour. Elle était sale, couverte de graisse et de poussière.
–Ce n’est même pas ça–dit-il.
–Ca ne veut pas dire que tu joues mal.
–Mais qui sait combien de temps j’ai dormi sur une bouteille vide. C’est ça, pas vrai? Et je ne m’en étais même pas rendu compte. Je ne me rappelle même plus quand je l’ai bue. C’est ça, hein?
–Non plus -lui dis-je.
–Je souffle comme toujours –dit-il. Où est le problème? Si tu veux j’achète un autre saxo. Donne-moi une avance et j’en trouve un pas cher.
J’ouvris la porte.
–Tu sais combien de temps je m’entraîne? –dit-il.
Il était sur le point de pleurer.
–Toute la journée, j’imagine.
–Alors?
–C’est comme ça.
Que pouvais-je lui répondre d’autre?
–Tu veux entendre quelque chose? –dit-il en saisissant le saxo-. Qu’on ne te raconte pas d’histoires. Au moins écoute-moi.
Il ferma les yeux et introduisit le bec entre ses lèvres. Il souffla. Do. Ré. Mi.
Fa. Sol.
La.
–C’est de Charlie Parker –lui dis-je.
Il me fatiguait.
–Je manque d’entraînement. Ecoute.
Do. Do dièse. Ré. Ré dièse.
Il retira le saxo de sa bouche. Il manquait de souffle.
–Tu ne sais même pas souffler –me dit-il.
Il posa le saxo sur ses genoux et le caressa. On aurait dit un animal battu. Il aurait suffit de souffler dessus pour qu’il fonde en larmes.
–Tu as cent pesos? –me dit-il.
Je jetai un billet sur le lit.
–Cigarettes?
Je lui lançai le paquet et il l’attrapa au vol. Je lui dis de le garder. Qui sait d’où il sortit une boîte d’allumettes et il alluma une cigarette. Il ne m’en offrit pas.
–Tu sais à quel âge est mort Charlie Parker? –me dit-il.
–Tu peux encore cirer des souliers –lui dis-je-. Joe Louis a fini comme ça. Je ne me rappelle plus s’il cirait des souliers mais il n’en avait pas honte.
–Je peux encore –dit-il.
De l’escalier j’entendis qu’il essayait d’extraire des notes du saxo.

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