martes, mayo 09, 2006

Instructions pour vivre sans peau
(fragmento)

Versión de Thierry Davo, publicada por la editorial Cénomane de Le Mans.




Ce que vous essayez de comprendre, au fond, c’est le sens de ce nœud dans votre gorge que vous camouflez derrière votre sourire implacable, celui que vous réservez à vos amis – vous n’avez pas d’amis – et à vos éventuelles maîtresses, ce sourire que vous avez passé votre vie à repasser devant votre miroir : une structure faite d’os, de muscles, de nerfs et d’âme qui vous sert à marcher à grands pas dans la rue et à rentrer chez vous avec un soupir de soulagement : le regard bien modulé, les joues distordues, délicatement asymétriques, un haussement imperceptible des sourcils et les dents aussi pures que la conscience d’un ange, même si cette blancheur, c’est ce qu’enseigne l’histoire des anges, est plus cosmétique que spirituelle.
Vous ne parlez pas de ce dont vous avez réellement envie de parler. Vous parlementez, et vous le faites avec une certaine grâce. Vous négociez avec votre silence. Vous ne direz rien qui ne soit la stricte réponse à ce qui vous est demandé, et même ainsi, il sera nécessaire d’avoir recours à des pinces ou à des marteaux pour obtenir ce que, par ailleurs, nous n’avons nullement besoin d’obtenir : pour nous, il n’est pas nécessaire que vous parliez, et il est bon que vous le sachiez. Notre mission est tout autre, si l’on peut parler de mission, ou d’obligations, si l’on peut dire qu’il s’agit pour nous d’aller au-delà de notre volonté, à supposer qu’il s’agisse bien de volonté, et non de quelque chose de plus profond et en même temps de plus élémentaire, comme pour vous le fait de manger, ou bien, pour les autres mortels, rire et rêver (vous êtes mortel.)
Bien que vous ayez besoin de dire certaines choses, vous avez, comme tous ceux qui viennent ici, la ferme intention de ne rien dire. C’est un jeu : vous êtes venu pour vous défaire de la vérité – de ce nœud qui vous étouffe - ; mais si cela est possible, vous mentirez, ou vous évoquerez les Hauts Faits de Votre Vie comme s’ils étaient insignifiants. Vous exalterez ce qui n’a pas d’importance, vous occulterez intentions et passions. Et si vous triomphez – c'est-à-dire si vous échouez et ne parlez pas – vous vous sentirez satisfait. Satisfait, mais pas heureux, car il ne s’agit pas non plus de bonheur. En aucun cas vous ne serez heureux. Même si vous dites tout ce qu’il est nécessaire que vous disiez, même si l’on vous arrache la peau, vous ne serez pas heureux. Et peu importe que vous parliez ou non, parce que nous obtiendrons de toute façon ce que nous souhaitons : vos secrets, qui sont la géographie de votre âme, le guide permettant d’en découvrir les moindres recoins.
Ici, votre intimité n’a aucun prix, seuls comptent vos désirs et vos espoirs. Ici, votre costume – ce bouclier – n’est au plus qu’un prélude à votre nudité. Cependant, vos chaussures et vos sous-vêtements ne seront ni tachés ni éclaboussés. Vos cheveux non plus. Pas même votre âme.
Sachez-le : vos mouvements seront minutieusement enregistrés et analysés. Personne ne jugera votre manière de déféquer ou de satisfaire aux exigences de votre corps, vos petits vices et vos grands vides ; nous sommes des observateurs discrets. Nous ne voulons que les clés de votre âme.
Chacun désire quelque chose de différent : célébrité, conscience, pouvoir, sécurité, reconnaissance… Vous, ce que vous souhaitez, c’est que disparaisse ce nœud dans votre gorge. Vous voulez vomir, et c’est pour cela que vous êtes venu jusqu’à nous. Vous n’y prendrez aucun plaisir, mais si vous y parvenez, vous pourrez dormir sans craindre l’asphyxie et sortir dans la rue sans avoir l’impression que tout ce qui entre par vos yeux, vos oreilles, votre peau – la peau, cependant, est un thème à part – se dépose dans votre gorge comme le bouchon de cheveux et de graisse qui obstrue la canalisation d’un lavabo.
Ne pensez pas en termes de psychanalyse. La psychanalyse tente d’exterminer les cadavres de l’âme et promet un bonheur d’autant plus grand que la douleur nécessaire pour l’atteindre aura été intense. Elle promet le purgatoire : un enfer provisoire face auquel le bonheur se réduit au panorama ennuyeux d’une éternité passée à chanter des psaumes en présence d’un être indifférent. Mais, qui souhaite être heureux ? Et qui peut être ce qu’il est, la seule chose qu’il puisse être, sans ses cadavres ? Non seulement ces cadavres si frais et pimpants qu’ils donnent envie d’être embrassés parce qu’ils ont encore entre les lèvres la chaleur du dernier souffle ; non seulement ceux qui sont déjà os et presque cendres, si vieux qu’ils seraient décoratifs dans les meilleurs salons ; mais aussi ceux qui sont en plein épanouissement, qui grouillent de couleurs et de bactéries, qui crèvent en pustules et explosent en odeurs affolées. Ces derniers seuls remuent l’âme et les souvenirs, obligent à penser à autre chose, à penser sérieusement, à chercher des chemins et des raisons, à fuir.
Peut-être l’image des cadavres vous semble-t-elle vulgaire, mais c’est parce que les gens (s’il vous plait, pensez « les gens » entre guillemets) ont eu sur vous une influence négative. Et ce sont « les gens » - cet animal stupide – qui ont décidé pour vous, en choisissant entre la mort – vos cadavres – et une perception plus prophylactique de la vie, haleine fraîche le matin, football et quelques bières le dimanche. C’est pour cela que vous êtes certain que certaines choses ont bon goût si elles sont préparées d’une certaine façon et avec certains condiments, qu’elles ont mauvais goût si elles présentent un certain aspect ou proviennent de certaines sources ; que certaines couleurs ne sont pas appropriées à certaines choses, que l’odeur des cadavres est nauséabonde, sans parler de leur goût supposé qui, du strict point de vue des hyènes, ne doit pourtant rien présenter de mauvais ; que la matière fécale doit être occultée, voire niée, et que la fin ultime des choses – appelez-la corruption ou entropie- est une vision terrible : même en philosophie la pudeur et le dégoût sont plus forts que le besoin de savoir.
En regardant d’un peu plus près le fond de vos désirs, vous verrez qu’on éprouve également du plaisir à être replié sur soi-même, en compagnie de milliers et de milliers de cadavres, un pour chaque acte de votre vie, un pour chaque instant de plaisir et d’angoisse, de luxure et de colère. Et ces cadavres, c’est votre vie. Si vous l’oubliez, vous n’aurez plus qu’à sombrer dans la folie ou mettre fin à vos jours – il existe des techniques notables, que nous pourrions vous enseigner -, ou encore vous résigner à la pire des possibilités, celle qu’offre la psychanalyse : la paix de l’esprit.
Ce n’est pas la paix que vous recherchez, ni vous ni personne, même si c’est ce que vous proclamez dans les bars, les églises et dans la solitude des toilettes. La paix est stupide. La paix est immobile. La paix, c’est l’absence d’idées utiles. Idées utiles : celles qui font vivre compulsivement, avec dignité. Celles qui vous causent de temps en temps des insomnies et, peut-être, si vous n’y prenez garde, vous font pleurer jusqu’à ce que le vide – le vide, et non la paix – se transforme en rêve et vous permette de jouir au réveil de la douce impuissance de penser à votre nom comme à une donnée sans substance.
Vous pouvez vomir vos cadavres, mais pas oublier le plaisir ou la terreur que provoquent leur souvenir ; ni la jouissance que procurent leur odeur et leur texture. Ni leur goût, bien sûr, le goût unique de la chair de votre propre espèce. Vomir ne vaut la peine que si votre objectif est de faire du vide afin que d’autres cadavres – plus frais, plus appétissants – occupent la place des anciens : il est indispensable de se renouveler.
Ne dites pas que ces cadavres ne sont pas les vôtres, que vous les avez trouvés abandonnés dans votre cuisine, à côté du réfrigérateur, que vous n’avez pas eu le cœur de vous en débarrasser, et que vous les avez donc archivés, bien classés, au seul endroit où ils pouvaient trouver de la chaleur, un peu d’humidité et un contact humain : votre gorge. Vous avez assassiné chacun de vos morts. Vous les avez abandonnés aux intempéries afin que le soleil les dévore, ou vous les avez plongés dans la chaux vive, ou jetés à la mer, là où les cadavres, au bout de quelques jours, dévoilent leurs possibilités les plus intéressantes.
La psychanalyse désire désespérément que vous vous défassiez de vos cadavres et que vous les remplaciez par une paix sans sépultures, ce qui ferait de vous un cimetière sans morts, image pathétique s’il en est. Il y a quelque chose d’essentiel dans une âme qui serait comme une ville après la peste, aussi tranquille, aussi agitée. Et aussi belle.
Vous pouvez demander beaucoup plus, ou beaucoup moins, mais cela ne vaudrait pas la peine.

Instrucciones para vivir sin piel
(fragmento)

Novela aún inédita en español, publicada por editorial Cénomane, de Le Mans, en 2004, en traducción de Thierry Davo.




Lo que usted en realidad intenta entender es de qué se trata el nudo en la garganta que esconde detrás de esa sonrisa implacable, la que les dedica a amigos —usted no tiene amigos— y amantes eventuales, la sonrisa que durante toda la vida ha ensayado frente al espejo: esa estructura formada por huesos, músculos, nervios y alma que le sirve para salir a la calle con pasos largos y regresar con un suspiro de alivio: la expresión de los ojos bien modulada, las mejillas distorsionadas de manera suavemente asimétrica, un leve alzamiento de cejas y los dientes puros como la conciencia de un ángel, aunque la historia de los ángeles demuestra que ese blanco es más cosmético que espiritual.
Usted no habla de lo que verdaderamente desea hablar. Negocia, y lo hace con cierta gracia. Negocia con su silencio. No dirá nada que no sea estricta respuesta a lo que se le pregunte, y aun así será necesario usar pinzas o martillos para obtener lo que por otra parte no necesitamos obtener: no es nuestra necesidad el que usted hable, y es bueno que lo sepa. Nuestra misión es otra, si puede hablarse de misiones o de obligaciones, si puede hablarse de hacer cosas más allá de nuestra voluntad, si lo nuestro es voluntad y no algo más profundo y básico, como para usted lo es comer, o como lo son reír y soñar para los demás mortales. (Usted es mortal.)
Aunque necesite decir ciertas cosas, sus intenciones, como las de todos los que llegan aquí, son las de no decir nada. Es un juego: vino para deshacerse de la verdad —de ese nudo que lo ahoga—, pero si es posible mentirá, o dirá de los Grandes Hechos de Su Vida como si fueran poca cosa, magnificará lo que no tiene importancia, ocultará intenciones y pasiones. Y si triunfa —es decir: si fracasa y no habla— se sentirá satisfecho, aunque no feliz, porque tampoco se trata de ser feliz. En ningún caso será feliz. Aunque diga todo lo que es necesario que diga, aunque le arranquen la piel, no será feliz. Y no importa si habla o no, porque de cualquier manera obtendremos lo que queremos: sus secretos, que son el mapa de su alma, la guía para llegar a cualquier rincón de su alma.
Aquí su intimidad no tiene valor, sino sus deseos y sus esperanzas. Aquí su traje sastre —ese escudo— es apenas un preludio para la desnudez. Aquí, sin embargo, sus zapatos y su ropa interior no sufrirán de manchas ni salpicaduras. Tampoco su cabello. Ni siquiera su alma.
Sépalo: sus movimientos serán minuciosamente registrados y analizados. Nadie juzgará su manera de defecar o de satisfacer las exigencias de su cuerpo, sus pequeños vicios, sus grandes vacíos; somos observadores discretos. Sólo queremos las claves de su alma.
Cada quién desea algo diferente: fama, conciencia, poder, seguridad, reconocimiento. Usted desea que desaparezca ese nudo en la garganta. Usted quiere vomitar, y por eso llegó hasta nosotros. No obtendrá placer de ello, pero si lo logra podrá dormir sin miedo a la asfixia y salir a la calle sin sentir que todo lo que entra por sus ojos y sus orejas, por su piel —la piel, no obstante, es un tema aparte—, se deposita en su garganta como el tapón de pelo y grasa que obstruye la tubería de un lavabo.
No piense en psicoanálisis. El psicoanálisis intenta exterminar los cadáveres del alma y promete una felicidad más grande cuanto más intenso sea el dolor necesario para llegar a ella. Promete el purgatorio: un infierno provisional ante el cual el tedioso panorama de una eternidad de cantar salmos ante un ser indiferente es la felicidad. Pero ¿quién desea ser feliz? Y ¿quién puede ser lo que es, lo único que puede ser, sin sus cadáveres? No sólo sin esos cadáveres tan frescos y rozagantes que dan ganas de besarlos porque todavía tienen el calor del último aliento entre los dientes; no sólo los que ya son hueso y casi ceniza, tan antiguos que resultarían decorativos en los mejores salones, sino los que están en pleno florecimiento, que bullen de colores y bacterias, que revientan en pústulas y destellan olores enloquecidos. Ésos son los únicos que remueven el alma y los recuerdos y obligan a pensar en otra cosa, a pensar en serio, a buscar caminos y motivos, a huir.
Quizá la imagen de los cadáveres le parezca vulgar, pero es porque la gente (por favor, piense entre comillas: “la gente”) ha tenido una influencia negativa sobre usted. Y es “la gente” —ese animal estúpido— la que ha decidido por usted al escoger entre la muerte —sus cadáveres— y un sentido más profiláctico de la vida, con buen aliento por las mañanas, fútbol y algunas cervezas los domingos. Por eso está seguro de que ciertas cosas saben bien si se preparan de cierto modo y con ciertos condimentos, que saben mal si presentan cierto aspecto o si provienen de ciertas fuentes; que ciertos colores no son los adecuados para ciertas cosas, que el olor de los cadáveres es nauseabundo, para qué hablar de su posible sabor que, visto desde la perspectiva de las hienas, nada tiene de malo; que la materia fecal debe ocultarse y acaso negarse, y que el fin último de las cosas —llámelo corrupción o entropía— es una visión terrible: hasta en la filosofía el pudor y el asco son más fuertes que la necesidad de saber.
Si mira un poco más hacia el fondo de sus deseos, se dará cuenta de que también se regocija encerrado dentro de sí mismo, en compañía de miles y miles de cadáveres, uno por cada acto de su vida, uno por cada instante de placer y de angustia, de lujuria y de ira. Y esos cadáveres son su vida. Si lo olvida no tendrá más que volverse loco o quitarse la vida —hay técnicas notables en las que podríamos instruirlo—, o quizá la peor de las posibilidades, la que le ofrece el psicoanálisis: la paz del espíritu.
No es la paz lo que usted busca, ni nadie, aunque así se proclame en cantinas, iglesias y en la soledad del baño. La paz es estupidez. La paz es inmovilidad. La paz es la falta de ideas útiles. Ideas útiles: las que hacen vivir convulsivamente, con dignidad. Las que le crean insomnio de vez en cuando y talvez, si se descuida, lo hacen llorar hasta que el vacío —no la paz— se convierte en sueño y al despertar disfruta la dulce impotencia de pensar en su nombre como en un dato sin sustancia.
Puede vomitar sus cadáveres, pero no olvidar el placer o el terror de recordarlos y regocijarse en su olor y sus texturas. Y su sabor, claro, el sabor único de la carne de su propia especie. Sólo vale la pena vomitar si su objetivo es hacer espacio para que otros cadáveres —más frescos, más apetecibles— ocupen el lugar de los anteriores: renovarse es necesario.
No diga que esos cadáveres no son suyos, que los encontró tirados en la cocina de su casa, junto a su refrigerador, y sintió pena ante la idea de deshacerse de ellos y por eso los archivó, muy bien clasificados, en el único lugar donde podían tener calor, algo de humedad, contacto humano: su garganta. Usted asesinó a cada uno de sus muertos. Usted los dejó a la intemperie para que se los comiera el sol, o los envolvió en cal o los arrojó al mar, el lugar donde los cadáveres, después de algunos días, muestran sus posibilidades más interesantes.
El psicoanálisis desea con desesperación que usted se deshaga de sus cadáveres y los sustituya por una paz sin sepulcros, con lo que usted se convertiría en un cementerio sin muertos, una imagen harto patética. Hay algo esencial en un alma que sea como una ciudad después de la peste, igual de quieta, igual de agitada e igualmente bella.
Puede pedir más que eso, o mucho menos, pero no valdría la pena.

viernes, mayo 05, 2006

Un monde où le ciel ne cesse de tomber

Traducción de Thierry Davo de "Un mundo en el que el cielo cae y cae"




–Personne ne joue comme Charlie Parker –répétai-je.
Il jeta le saxo sur le lit. Il y eut comme un bruit de métal cassé.
–Pour qui te prends-tu –me dit-il-. Tu ne sais même pas souffler.
C’était vrai.
Il s’assit à côté du saxo, sans oser le prendre. Dessous, il y avait une bouteille de bière vide. Il l’attrapa comme si ça avait été un bouclier ou une assurance-vie.
–Tu sais combien de temps je m’entraîne? Tu sais combien d’heures je m’entraîne?
–Ce n’est pas ça –lui dis-je.
–Non. Je sais que ce n’est pas ça.
Il regarda la bouteille à contre-jour. Elle était sale, couverte de graisse et de poussière.
–Ce n’est même pas ça–dit-il.
–Ca ne veut pas dire que tu joues mal.
–Mais qui sait combien de temps j’ai dormi sur une bouteille vide. C’est ça, pas vrai? Et je ne m’en étais même pas rendu compte. Je ne me rappelle même plus quand je l’ai bue. C’est ça, hein?
–Non plus -lui dis-je.
–Je souffle comme toujours –dit-il. Où est le problème? Si tu veux j’achète un autre saxo. Donne-moi une avance et j’en trouve un pas cher.
J’ouvris la porte.
–Tu sais combien de temps je m’entraîne? –dit-il.
Il était sur le point de pleurer.
–Toute la journée, j’imagine.
–Alors?
–C’est comme ça.
Que pouvais-je lui répondre d’autre?
–Tu veux entendre quelque chose? –dit-il en saisissant le saxo-. Qu’on ne te raconte pas d’histoires. Au moins écoute-moi.
Il ferma les yeux et introduisit le bec entre ses lèvres. Il souffla. Do. Ré. Mi.
Fa. Sol.
La.
–C’est de Charlie Parker –lui dis-je.
Il me fatiguait.
–Je manque d’entraînement. Ecoute.
Do. Do dièse. Ré. Ré dièse.
Il retira le saxo de sa bouche. Il manquait de souffle.
–Tu ne sais même pas souffler –me dit-il.
Il posa le saxo sur ses genoux et le caressa. On aurait dit un animal battu. Il aurait suffit de souffler dessus pour qu’il fonde en larmes.
–Tu as cent pesos? –me dit-il.
Je jetai un billet sur le lit.
–Cigarettes?
Je lui lançai le paquet et il l’attrapa au vol. Je lui dis de le garder. Qui sait d’où il sortit une boîte d’allumettes et il alluma une cigarette. Il ne m’en offrit pas.
–Tu sais à quel âge est mort Charlie Parker? –me dit-il.
–Tu peux encore cirer des souliers –lui dis-je-. Joe Louis a fini comme ça. Je ne me rappelle plus s’il cirait des souliers mais il n’en avait pas honte.
–Je peux encore –dit-il.
De l’escalier j’entendis qu’il essayait d’extraire des notes du saxo.

miércoles, mayo 03, 2006

Un mundo en el que el cielo cae y cae

Escrito entre 1990 y 1992. Publicado en varias partes, en varias versiones.




–Nadie toca como Charlie Parker –volví a decirle.
Tiró el sax sobre la cama. Algo sonó a metal roto.
–¿Quién te crees? –me dijo–. Ni siquiera sabes silbar.
Era cierto.
Se sentó junto al sax sin atreverse a tomarlo. Bajo el sax había una botella vacía de cerveza. La agarró como si fuera un escudo o un seguro de vida.
–¿Sabes cuánto ensayo? ¿Sabes cuántas horas ensayo?
–No es eso –le dije.
–No. Ya sé que no es eso.
Miró la botella a contraluz. Se veía sucia, cubierta de grasa y polvo.
–Ya ni siquiera es eso –dijo.
–No quiere decir que toques mal.
–Pero quién sabe cuánto tiempo he estado durmiendo encima de una botella vacía. Eso es, ¿verdad? Y ni siquiera me había dado cuenta. Ni siquiera me acuerdo de cuándo me la tomé. Eso es, ¿verdad?.
–Tampoco –le dije.
–Soplo igual que siempre –dijo–. ¿Cuál es el problema? Si quieres compro otro sax. Dame un adelanto y consigo uno barato.
Abrí la puerta.
–¿Sabes cuánto ensayo? –dijo.
Estaba a punto de llorar.
–Me imagino que todo el día.
–¿Entonces?
–Así las cosas.
¿Qué más podía contestarle?
–¿Quieres oír algo? –dijo agarrando el sax–. Que no te cuenten. Por lo menos óyeme.
Cerró los ojos y se puso la boquilla en la boca. Sopló. Do. Re. Mi.
Fa. Sol.
La.
–Es de Charlie Parker –le dije.
Me estaba fastidiando.
–Estoy fuera de práctica. Oye.
Do. Do sostenido. Re. Re sostenido.
Se quitó el sax de la boca. Le faltaba la respiración.
–Ni siquiera sabes silbar –me dijo.
Se puso el sax sobre las rodillas y lo miró. Parecía animal apaleado. Bastaba con soplarlo para que se echara a llorar.
–¿Tienes cien pesos? –me dijo.
Le tiré un billete en la cama.
–¿Cigarros?
Le tiré la cajetilla y la pescó al vuelo. Le dije que se quedara con ella. Quién sabe de dónde sacó una caja de cerillos y encendió un cigarro. No me ofreció.
–¿Sabes a qué edad murió Charlie Parker? –me dijo.
–Todavía puedes lustrar zapatos –le dije–. Joe Louis terminó así. No me acuerdo si lustraba zapatos, pero no le daba vergüenza.
–Todavía puedo –dijo.
Desde la escalera oí que trataba de sacarle notas al sax.